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Maj le 13/10/2022

Il y a un an, je suis tombée sous le charme d'un écrivain.

Moi, qui suis une puriste en littérature, je découvrais une version de Tristan et Iseut hors du commun. Cette version révélait la beauté originelle de l'œuvre médiévale, tout en restant accessible à tous.

Il fallait que j'en sache plus sur cet auteur... j'ai donc lu sa version d'Antigone... Et là, je me suis dit qu'il fallait que je parle avec lui... Ces écrits résonnaient en moi.

Hachette Jeunesse a accepté ma demande et m'a même révélé son projet en cours, un roman sur Jeanne D'Arc. Il n'en fallait pas plus pour que je prenne le clavier et contacte Jacques Cassabois!Jeanne D'Arc, femme charismatique et énigmatique, femme source de divergences... voilà un sujet qui m'intéressait énormément, les questions allaient s'enchainer j'en étais sûre.

De ma curiosité pour une femme hors du commun et de ma passion pour ses écrits est née une correspondance entre Jacques Cassabois et moi. (j'avoue il m'a fallu quelque temps quand même avant de lui écrire le premier mail... j'étais impressionnée comme une adolescente devant une rock star).

Jeanne Entretien avec Evey, du site Milady Evey

Jacques Cassabois :


C’est vrai, on ne peut pas parler de Jeanne sans parler de Dieu. Impossible. Même le plus convaincu des athées est obligé de tenir compte de ce paramètre. Il est incontestable que la foi de Jeanne est son carburant de vie. Sans lui, elle est en panne. D’ailleurs, sans lui elle n’existe tout simplement pas.

Cependant, des énormités ont été proférées sur elle par des gens qui, justement, sont incapables d’intégrer la force profonde de sa foi. Pour ces gens-là, la foi, et surtout sa conséquence, les voix, ne sont qu’une mystification destinée à cacher que Jeanne n’est pas celle que l’on croit, mais une demi-sœur adultérine de Charles VII (fille d’Isabeau de Bavière, la mère de Charles, et de son amant Louis 1er d’Orléans qui est mort assassiné le 7 novembre 1407, soit... plus de 4 ans avant la naissance de Jeanne ! Un argument béton, autrement dit !)

Régine Pernoud  a apporté à ces allégations des démentis définitifs (cf. entre autres, Jeanne d’Arc, de Régine Pernoud et Marie-Véronique Clin, éditions Fayard, p.337 à 344).

jeannedarc3.jpgLe plus simple, concernant Jeanne, c’est d’écouter ce qu’elle dit. Elle est franche, elle est sincère. Quand elle dit Dieu, elle pense Dieu, et sa vie est nourrie de ce rapport à Dieu.

Pour moi, il ne fait aucun doute qu’elle entendait des voix. Quantité de gens, à travers les siècles, ont eu des dispositions pour être en communication avec des forces subtiles. Il en existe toujours aujourd’hui. Qu’ils s’inscrivent ou non dans un contexte religieux. C’est tout simplement une capacité de l’esprit humain, plus développée chez certains sujets. Les médiums possèdent cette faculté. La spiritualité new age venue des États-Unis a introduit le mot channel. Les médiums sont des canaux, des interfaces entre l’humain et l’imperceptible. Le... divin ?

Jeanne, pour moi,  était à l’évidence un channel qui a vécu dans une époque où la religion scandait la vie de chaque instant et qui était suffisamment adaptée à cette époque pour que son action ait une influence sur elle, en profondeur. Son supplice fait aussi partie de cette influence (certains esprits romanesques soutiennent qu’au dernier moment, elle a été escamotée sur le bûcher, pour réapparaître en 1436,  sous le nom de Claude des Armoises ! Là encore, des historiens sérieux ont démontré qu’une telle hypothèse relevait de la pure fantaisie).

L’influence d’un individu ne se juge pas en termes de succès et d’échec, avec le sens que l’on donne aujourd’hui à ces mots. Tout participe à l’accomplissement d’une œuvre. (La mort du Christ  sur la croix est-elle un échec ?) C’est pourquoi le martyre de Jeanne fait partie du scénario et qu’elle l’a tenu de bout en bout.

Il suffit de consulter un médium (qui ne sont pas tous des charlatans ; c’est un peu court de résoudre les mystères par la cupidité des uns et la naïveté des autres), de se trouver face à face avec lui (ou elle) et de l’écouter, alors qu’il vous rencontre pour la première fois, vous révéler sur vous des choses que vous êtes le seul à savoir. Pour se confronter à la force de cette réalité, je ne connais rien de plus simple. Pas de spectacle, pas de complice dans la salle, pas d’habileté psychologique d’un praticien malin qui devine ce que vous attendez et qui vous le sert sur un plateau. Non, affronter l’énigme, je dis bien l’énigme, de cette réalité, en se faisant soi-même son idée.

Je vous étonne ?

Pourtant, ce que je vous décris là, c’est exactement ce qui s’est passé entre Jeanne et le futur Charles VII, lors de leur première entrevue à Chinon, le 6 mars 1429.

Jacques :


Certainement parce qu’elle était la personne la plus adaptée pour accomplir cette œuvre.


Quant aux apparences, lorsqu’elles se révèlent, elles ne manquent pas de nous sidérer, parfois. C’est le cas avec Jeanne. D’ailleurs, clin d’œil de l’histoire (légende ou vérité ?), on la dit née le jour de... l’Épiphanie !


jeannedarc-epee.jpgElle était tout simplement un être différent de ses contemporains. D’une autre pâte. Prédestinée. Élue ?... Acceptons-le,  et acceptons aussi que nous ne sommes pas égaux. Je veux dire que nous ne naissons pas tous avec la même tâche à accomplir, avec la même feuille de route, le même bagage génétique, ni les mêmes dispositions.


Un itinéraire attend chacun de nous et nous possédons, dans notre panoplie de vivant, les outils nécessaires (des qualités, des infirmités, des obstacles prêts à se dresser pour nous éprouver, pour nous faire travailler sur nous-mêmes, etc.) pour le parcourir. De ce point de vue, nous avons tous une œuvre en attente qui compte sur nous pour se réaliser. Mais il y a parmi nous des êtres plus avancés, plus évolués et programmés pour des tâches de transformation des consciences, venus pour faire progresser l’humanité.


Jeanne fait partie de ces êtres là. Une candeur désarmante, une force intérieure sans pareille, serties dans une formidable cuirasse de pugnacité. Elle n’est pas unique et la liste est longue de ces êtres flamboyants venus pour baliser nos chemins d’obscurité. Chaque époque connaît les siens. Ce sont des mystères vivants. Je les appelle des phares.


Dans mon roman ANTIGONE, j’en ai fait le sujet d’un poème. Vous le connaissez, Evey. Je vous en rappelle juste la fin. Elle convient parfaitement à Jeanne :

Maintenant, qui étaient exactement ces voix ? D’où venaient-elles ? Certainement pas d’une maladie mentale, comme je l’ai parfois entendu dire. Pour avoir vu Jeanne à l’œuvre, et de bien près, j’aimerais que tous les malades mentaux aient sur notre société le même pouvoir de transformation qu’elle, la même influence, qu’ils manifestent une aussi grande énergie, une aussi grande indépendance et fassent preuve d’une aussi belle force de caractère. Je trouve que les êtres de la trempe de Jeanne,  totalement désintéressés, généreux, et pas de cette générosité médiatique si bien portée aujourd’hui, nous font cruellement défaut, et ce, à tous les étages de la société !


Nul doute que la science nous expliquera un jour, par le menu, quelle protéine, combinée avec quel acide aminé, déclenché dans l’organisme par telle stimulation particulière, provoque l’illumination des mystiques. On saura donc. Mais comprendre un phénomène modifie-t-il son impact sur la réalité ?


Alors, de qui les voix ? De Dieu ? Diable, qu’est-ce que Dieu ?


Étaient-elles une émanation de l’inconscient collectif ? Il m’arrive souvent de penser que l’énergie subtile, la force spirituelle dégagée par toute une société, toute une époque, est capable de matérialiser une espérance qui s’incarne dans un individu. Pour moi, Jeanne était l’émanation de cette nécessité.


jeannedarc-pretre.jpgEt qu’on arrête de nous bassiner avec les hallucinations. « Je crois ce que je vois ! » affirment certains esprits forts qui se targuent de pragmatisme. Le drame avec eux, c’est qu’ils ne voient pas grand chose et qu’au nom de leur cécité, ils prétendent nous imposer leur perception étriquée de la réalité. Car c’est bien de réalité qu’il est question. Les mystiques comme Jeanne (ou Thérèse d’Avila, ou Maximilien Kolbe) qui ont les pieds sur terre et la tête au ciel embrassent un champ du réel infiniment plus ample que nous autres, gens ordinaires, et leurs outils de perception (claire voyance, claire audience, magnétisme...) sont donc plus performants que les nôtres. Un individu capable de percevoir les fréquences de l’infra rouge ou de l’ultra violet serait-il un halluciné ?


Je ne suis pas apte à trancher l’origine des voix de Jeanne et ce n’est pas l’objet de mon roman. Chacun répondra à cette énigme pour lui-même, en fonction des options philosophiques qui lui permettent de vivre. Mais s’il me semble indispensable d’approcher des mystères avec prudence, il est encore plus indispensable de les fréquenter avec humilité. Les apriorismes catégoriques sont rigoureusement inadéquats.

Maintenant, qui étaient exactement ces voix ? D’où venaient-elles ? Certainement pas d’une maladie mentale, comme je l’ai parfois entendu dire. Pour avoir vu Jeanne à l’œuvre, et de bien près, j’aimerais que tous les malades mentaux aient sur notre société le même pouvoir de transformation qu’elle, la même influence, qu’ils manifestent une aussi grande énergie, une aussi grande indépendance et fassent preuve d’une aussi belle force de caractère. Je trouve que les êtres de la trempe de Jeanne,  totalement désintéressés, généreux, et pas de cette générosité médiatique si bien portée aujourd’hui, nous font cruellement défaut, et ce, à tous les étages de la société !


Nul doute que la science nous expliquera un jour, par le menu, quelle protéine, combinée avec quel acide aminé, déclenché dans l’organisme par telle stimulation particulière, provoque l’illumination des mystiques. On saura donc. Mais comprendre un phénomène modifie-t-il son impact sur la réalité ?


Alors, de qui les voix ? De Dieu ? Diable, qu’est-ce que Dieu ?


Étaient-elles une émanation de l’inconscient collectif ? Il m’arrive souvent de penser que l’énergie subtile, la force spirituelle dégagée par toute une société, toute une époque, est capable de matérialiser une espérance qui s’incarne dans un individu. Pour moi, Jeanne était l’émanation de cette nécessité.


jeannedarc-pretre.jpgEt qu’on arrête de nous bassiner avec les hallucinations. « Je crois ce que je vois ! » affirment certains esprits forts qui se targuent de pragmatisme. Le drame avec eux, c’est qu’ils ne voient pas grand chose et qu’au nom de leur cécité, ils prétendent nous imposer leur perception étriquée de la réalité. Car c’est bien de réalité qu’il est question. Les mystiques comme Jeanne (ou Thérèse d’Avila, ou Maximilien Kolbe) qui ont les pieds sur terre et la tête au ciel embrassent un champ du réel infiniment plus ample que nous autres, gens ordinaires, et leurs outils de perception (claire voyance, claire audience, magnétisme...) sont donc plus performants que les nôtres. Un individu capable de percevoir les fréquences de l’infra rouge ou de l’ultra violet serait-il un halluciné ?


Je ne suis pas apte à trancher l’origine des voix de Jeanne et ce n’est pas l’objet de mon roman. Chacun répondra à cette énigme pour lui-même, en fonction des options philosophiques qui lui permettent de vivre. Mais s’il me semble indispensable d’approcher des mystères avec prudence, il est encore plus indispensable de les fréquenter avec humilité. Les apriorismes catégoriques sont rigoureusement inadéquats.

Jacques :


Eh bien vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère. En voilà de graves sujets concentrés en une seule question !


Réglons d’emblée la polémique. La tendance à polémiquer se développe aujourd’hui, chez nous, d’une manière spasmodique, pour un oui pour un non. Elle est la manifestation d’un syndrome d’autodestruction qui affecte la France et se caractérise par une détestation violente de son histoire, laquelle pousse certains à nous en imposer une réécriture politique, au seul nom de leurs intérêts.


Maintenant, j’en viens à l’essentiel de votre question.


Si beaucoup de personnes croient que Jeanne est une icône chrétienne, elles se trompent.


jeannedarc-gf1.jpgJeanne, en effet, est bien plus que cela. Elle est une part de l’identité française. Elle appartient au patrimoine national, croyants et non croyants réunis, et les conditions de sa redécouverte au XIXè siècle sont, à cet égard, significatives.


Parmi les historiens qui ont donné son essor à ce mouvement, nombreux étaient républicains. J’en citerai deux : Jules Michelet, le plus connu, et surtout Jules Quicherat, qui deviendra directeur de l’école des Chartes. Son influence a été déterminante. En effet, il a rendu public les deux procès de Jeanne en les publiant (de 1841 à 1849). Un événement considérable, qui a nourri les recherches de dizaines d’érudits, croyants et athées, qui se sont lancés sur les traces de Jeanne.


Il se trouve que ce mouvement de redécouverte est allé de pair avec la lutte politique que se livraient alors les catholiques et les républicains, notamment sur le contrôle de l’école.


En 1850 (donc au moment de la publication des procès), la loi Falloux était votée. Elle renforçait la présence de l’élise catholique dans l’organisation de l’école primaire et secondaire. Dans les paroisses, les curés étaient co-responsables de l’école avec les maires. Les évêques siégeaient dans les  conseils académiques. Un des inspirateurs de cette loi était Mgr. Dupanloup, celui-là même qui, en 1869, alors qu’il était évêque d’Orléans, a lancé le mouvement qui allait aboutir 50 ans plus tard, à la canonisation de Jeanne.


À cette époque, les laïcs pesaient de toutes leurs forces pour faire barrage aux cléricaux. Le franc-maçon, Jean Macé, créait la Ligue de l’Enseignement en 1866 et militait pour une école libératrice et émancipatrice. Désireux de s’attaquer aux causes de l’analphabétisme, il disait notamment, parlant de l’ignorant : « Qu’il apprenne ce que savent ceux qui le prêchent et il sera en état de se prêcher lui-même ! » Un plaidoyer pour l’accès des plus humbles au savoir. Les professionnels du prêche, n’étaient évidemment pas disposés à abandonner leurs droits sur les consciences et l’action de la Ligue a permis le vote des lois de Jules Ferry : laïcité, gratuité, obligation de l’école. Une révolution.


L’œuvre de Jeanne, entraînée dans cette lutte, est ainsi devenue un enjeu. Les catholiques, devant l’intérêt de leurs adversaires, n’étaient pas disposés à se la laisser confisquée. Sans compter que l’Église avait toujours son supplice sur la conscience. Car le procès posthume de 1456 n’a pas réhabilité Jeanne, comme on le dit souvent trop rapidement. Il a seulement annulé le verdict de celui de 1431. Il s’est tenu pour des raisons variées, et notamment politiques. L’Église n’a jamais accepté de l’ouvrir, subitement prise de remords, pour effacer l’injustice qu’elle avait laissé commettre en son nom, 25 ans auparavant.


La seule vraie réhabilitation de Jeanne par Rome n’a vraiment été prononcée que le 16 mai 1920, avec sa canonisation, soit près de cinq siècles après son exécution.


Cependant, cette lutte pour l’appropriation de l’icône, n’en a été que plus bénéfique à la connaissance de Jeanne. Elle a mobilisé les énergies, et l’apport des historiens catholiques (Henri Wallon, le père Jean-Baptiste Ayrolles, entre autres) a été très important, jusqu’au long procès en canonisation qui a passé méthodiquement au crible ses actes et soupesé la moindre de ses intentions.


Au début du XXè siècle, Jeanne était l’objet d’une réelle ferveur, dans toutes les classes sociales de la nation toute entière. Jean Jaurès en témoigne.


« Jeanne d’Arc regarde bien au-delà des champs de Lorraine », disait-il.


Simone Veil, nous rappelle ses mots, dans son discours de réception à l’Académie française.


C’est étrange comme les termes de votre question nous ramènent d’une façon particulièrement opportune au cœur de ce XIXè siècle, en rappelant certains de ses idéaux qui n’ont rien perdu de leur actualité. L’affranchissement des tutelles qui prétendent encadrer nos consciences, procède de ces idéaux. La libre disposition de son corps, également. Vous l’évoquez par votre allusion aux revendications des islamistes sur le voile et la burqa.


Pourquoi les musulmans se sentiraient-ils blessés de nous entendre raconter la vie d’une de nos héroïnes les plus lumineuses ? Pourquoi y aurait-il provocation à rappeler les racines chrétiennes de la France, en face d’un islam qui revendique de traiter les femmes comme des esclaves ?


Au contraire, je crois que l’histoire de Jeanne ne pouvait pas mieux tomber. Je n’ai absolument pas écrit mon roman comme un pamphlet anti religieux, et encore moins anti musulman, mais je dois dire que votre question me surprend par sa justesse. Et j’aimerais que la présence de Jeanne s’impose à nouveau pour nous mettre en garde contre les dérives des  religions archaïques qui refusent toute évolution.


jeannedarc-eperons.jpgSavez-vous ce qui a conduit Jeanne au bûcher ? Ses vêtements ! Oui, les vêtements d’homme qu’elle portait pour accomplir sa mission de guerrière. Des vêtements qui étaient contraires à ceux que la loi religieuse imposait aux femmes de porter et que l’Église considérait comme sacrilèges ! Étonnant, non ? Mais attendez, la similitude ne s’arrête pas là. Les prélats qui l’ont jugée se fondaient sur des principes tirés du... Lévitique, comme aujourd’hui les fondamentalistes de l’islam se réfèrent au Coran pour maintenir leurs femmes dans un état de soumission.


Vous ne trouvez pas qu’on est une nouvelle fois confrontés à un bégaiement de l’évolution humaine ?


Jeanne a été brûlée vive pour cette raison, un prétexte en réalité, qui servait à rendre son exécution légale, à l’issue d’une manipulation d’un cynisme absolu.


Dans ses hurlements de douleur au milieu des flammes, j’entends pareillement les hurlements des femmes qu’on lapide aujourd’hui, qu’on transforme en torches vivantes dans leurs cuisines ou qu’on défigure au vitriol pour des motifs puisés, eux aussi,  dans des textes fondateurs d’autres religions, d’autres traditions qui se perpétuent par le maintien esclavage de la majorité des leurs.


Jeanne, par sa vie, par son martyre de chrétienne assassinée par d’autres chrétiens, continue de nous tirer vers l’émancipation. La portée de son combat est universelle. Et je n’y vois provocation que pour les directeurs de conscience, les machistes et les despotes.


Oh, comme vous, j’entends bien ces voix prudentes, qui nous intiment l’ordre de rester coi devant les revendications calculées des islamistes, pour ne pas risquer de stigmatiser la grande majorité des musulmans pacifiques.


Je crois au contraire qu’il faut parler. Balayer les ténèbres du silence par la parole, sans accepter aucune intimidation. Les musulmans sincères doivent pouvoir pratiquer leur religion en toute tranquillité et ils ont tout intérêt à ne pas être confondus avec ceux qui utilisent leur foi comme un levier de prise de pouvoir ou de désintégration de la société. Loin de les stigmatiser, cela permet au contraire de faire le tri, entre ceux qui sont de bonne foi et les manipulateurs. Cela devrait rassurer, non ?


J’entends aussi ceux qui invoquent les massacres de la saint Barthelemy et l’arbitraire de l’Inquisition pour renvoyer toutes les religions dos à dos. Le christianisme a heureusement évolué et les religions qui prétendent nous imposer leurs archaïsmes seraient bien inspirées d’en faire autant.


J’ai commencé par vous répondre en me référant au XIXè siècle et au combat que se livrait républicains et catholiques. Je vais terminer par ce même XIXè siècle qui a fini par imposer, chez nous, la séparation des Églises et de l’État en 1905, au nom de la laïcité.


La laïcité, plus que jamais, est notre chance de partage, de vie en bonne intelligence, loin de l’arrogance revendicative des communautarismes. Mais une laïcité raisonnée, ni naïve ni angélique, qui sache déjouer la ruse, distinguer entre la sincérité et la tactique, et qui n’ouvre pas la porte aux extrémistes par excès de confiance en leur bonne mine, ou pire, par peur d’encourir de pseudo reproches d’intolérance ou de racisme de la part des ligues de vertus. Aux beaux jours du syndicalisme politique, cette technique de noyautage s’appelait l’entrisme. Les Grecs, jadis, nous en ont donné un bel exemple efficace avec leur cheval de Troie. Malins, les Grecs.


Que notre laïcité nous serve donc ! Nos dirigeants, de droite comme de gauche, se grandiraient de la faire respecter.

Jacques :


Jeanne se battait pour le roi de France, parce qu’elle avait reçu mission de le faire. Son action ne procédait d’aucune analyse politique et ne poursuivait aucun but politique. Que la politique l’ait utilisée ou combattue selon les groupes d’influence qui entouraient Charles VII, c’est une autre question. Elle, en tout cas, ne s’occupait pas de cela. Elle  était rivée sur sa mission.


Elle était du côté français, parce que Domrémy, avec la seigneurie de Vaucouleurs faisait partie d’une petite enclave française et qu’elle avait été élevée dans la peur du Bourguignon et de l’Anglais. Une peur qui était tout sauf abstraite, nourrie d’exodes, de massacres, de pillages et de viols. Tout autour de cette enclave, des terres sous domination bourguignonne à l’ouest, et à l’est, le duché de Lorraine avec au-delà, le Saint Empire.


Jeanne a obéi à un ordre qu’elle disait venir du ciel. Elle a été cuisinée longuement par des théologiens pour savoir si elle était ou  non une fabulatrice. Et ces théologiens, après trois semaines d’interrogatoires serrés ont conclu que Charles pouvait lui faire crédit, car ils étaient arrivés à la conclusion qu’elle était bien, selon eux, sincère, crédible, au point qu’ils en étaient impressionnés et qu’ils reconnaissaient en elle... une envoyée de Dieu !


C’est sur cet unique paramètre que sa courte vie se déroule. C’est difficile à admettre ? Sans doute, mais c’est ainsi. On appelle cela un mystère ! Et je trouve plus grand celui qui accepte un événement qu’il ne comprend pas, que celui qui s’échappe dans des stéréotypes à l’emporte-pièce, au nom de... la raison.

Jacques :

Jeanne n’a pas exactement sauvé la France. Elle a apporté un élan déterminant, un sursaut. Elle a levé un espoir formidable dans le peuple. Elle a secoué un roi qui ne voulait pas régner. Elle a fait mûrir sa métamorphose, même si elle n’était plus là pour en mesurer le résultat. Ses ennemis, dans l’entourage de Charles VII, qui ont tout fait pour qu’elle échoue et qui n’ont rien tenté pour la secourir lorsqu’elle a été capturée, trop contents d’être débarrassés d’elle, ont prolongé de 25 ans, une guerre qui faisait bien leurs affaires. Car après Jeanne, l’élan est retombé et les professionnels de la guerre ont vite repris leurs sales petites habitudes de massacres, de pillages et de décimation des populations civiles.


jeannedarc-gf2.jpgMais c’est juste, Jeanne, en effet, était une guerrière. J’ai même pensé intituler mon livre La guerrière de Dieu, parce que ces deux mots la résument totalement. Mais je n’ai pas osé. Pour toutes les raisons que nous évoquons.


Mais de grâce, distinguons entre les guerriers et observons de près leurs combats. De Gaulle aussi était un guerrier, Jean Moulin également. Ils sont dans la lignée de Jeanne qui a pris les armes pour chasser un envahisseur et ramener la paix. Parfois, il n’y a pas d’autres voie que celle de la guerre, n’en déplaise aux protestations des pacifistes qui peuvent la mépriser en toute tranquillité, parce que d’autres, avant eux, ont eu le courage de sacrifier leur vie pour leur bâtir une société acceptable.



Que serait la France aujourd’hui sans l’esprit de résistance insufflé par le général de Gaulle en 1939 ? Et celui de Jeanne, en 1429 ?


Si elle avait inscrit sur son étendard cette devise : « De par le Roi du Ciel », c’est parce que ce roi-là, à cette époque-là, dans ces circonstances-là et dans son esprit, était le meilleur champion de la liberté.


J’ajoute que Jeanne était une guerrière peu commune, nantie de quelques qualités qu’il n’est pas mauvais  rappeler.


Elle ne haïssait pas les Anglais ; ce qui n’était pas réciproque. Elle estimait seulement que leur volonté de régner sur la France entraînait les malheurs du peuple et c’est pourquoi elle voulait les renvoyer chez eux.


Elle faisait la chasse à la violence gratuite. Elle empêchait ses hommes de maltraiter les prisonniers, interdisait le pillage à une époque où les soldats se payaient sur le pays, proscrivait le blasphème et nous savons, par des témoignages indubitables, qu’elle était obéie et crainte.  La troupe, aussi bien que les gradés surveillaient leur langage en sa présence.


Jeanne était une guerrière qui voulait que son armée soit en état de grâce ! Aujourd’hui on parlerait tout simplement de moralisation, d’éthique. Ces qualités sont-elles désuètes ? Une guerrière qui pleurait sur les morts et priait pour eux, quel que soit leur camp, comme de nos jours on leur rend les honneurs. Une guerrière de Dieu enfin qui n’a jamais appelé à la guerre sainte, à la haine et à la destruction de l’ennemi et qui n’a jamais tué un seul innocent, contrairement à tant de terroristes aujourd’hui qui massacrent à l’aveugle et font prospérer leur fonds de commerce par la terreur.


Voilà tout de même de quoi éviter les amalgames et nous permettre de faire des différences, vous ne croyez pas ?


Enfin, je ne suis pas le premier à le dire, mais ne nous lassons pas de le répéter : on se souvient toujours de Dieu pour lui reprocher l’injustice du monde, mais quand tout va bien, on ne pense jamais en l’en rendre responsable. Bref, ce n’est jamais Dieu qui est en cause, mais l’usage confortable que les hommes font de lui.



Jacques :

Mon livre est comme tout livre :  son thème, ma façon de le traiter, ma manière d’écrire seront pour certains un attrait, pour d’autres une cause de rejet. Mais faut-il s’interdire d’aborder un sujet, sous prétexte qu’il n’arrive pas en tête des attentes des lecteurs, dans les sondages d’opinions ? Faut-il toujours servir aux lecteurs ce qu’ils attendent ? Leur dire ce qu’ils ont envie d’entendre ? Leur montrer ce qu’ils sont décidés à regarder et continuer de les gaver de ce qui les rend déjà obèses, sans leur proposer d’alternative ?


C’est la responsabilité d’un créateur de s’aventurer sur des chemins qui ne sont pas encore empruntés. Et puis, j’ai écrit un roman, pas un catéchisme. Je ne développe aucune idéologie que je cherche à imposer habilement. Je pose un regard sur nous, humains, à travers la façon bouleversante dont Jeanne, la visionnaire, a conduit son épopée. Et je ne vais pas présupposer un public, pour m’efforcer de faire copain-copain avec lui. Je suis imperméable à cette démagogie.

jeannedarc-enfant2.jpg

Maintenant, je sais très bien que des vindicatifs feront la grimace, se dresseront pour m’envoyer Dieu à la figure, comme si c’était une obscénité, et les voix de cette folle venue de Lorraine ! M’objecter que par les temps qui courent la religion est un sujet tabou et, argument rédhibitoire, qu’il n’intéresse pas les jeunes !


Je ne suis pas très politiquement correct d’aimer Jeanne à... visage découvert et de vouloir la faire aimer. Tant pis. Avec toutes ses belles qualités, je trouve qu’elle a de nobles valeurs à nous transmettre. Cela a été pour moi un éblouissement et un  honneur de mettre sa vie à la disposition des jeunes. Ainsi, ceux qui voudront faire l’effort de la découvrir pourront l’approcher et la connaître vraiment, en français dans le texte.