Copyright © 2010 Site officiel de Jacques Cassabois. Tous droits réservés

Site créé par Judith DELVINCOURT et administré par Martine POGNANT

 Contact  - Plan du site

Maj le 13/10/2022

Femmes du Haut-Jura

 e sont des femmes ordinaires qui sont racontées là. Des femmes du pays. Certaines y sont nées. D'autres y ont été apportées, comme des graines, par les vents de la vie. Toutes y ont fait souche.


Leurs vies, dont elles nous disent des fragments, sont à leur image : ordinaires, et leurs souvenirs, empreints d'un quotidien qu'elles n'ont cessé de travailler comme une terre rebelle à la culture, avec l'opiniâtreté de qui se sait déterminé à la fertiliser.


Aucune démesure dans ces vies, aucune péripétie romanesque. Rien d'autre que la grande aventure des jours, au jour le jour, dont la perspective, dans le rassemblement des ans, laisse échapper des rumeurs de destin.


Le siècle parle par ces voix, car chacune d'elle en possède une parcelle, un lopin minuscule et, toutes en chœur semblent chanter leur résolution tranquille, comme pour nous convier à les suivre, se gardant bien de s'ériger en exemple, sur ce chemin du quotidien qu'elles continuent de parcourir.


C'est à nous que chacune parle, par l'intermédiaire de nos enfants qui les ont écoutées. À nous, que chacune dit:


« Entrez dans ma cuisine, prenez le temps de vous asseoir, comme les enfants se sont assis. Je vais vous parler de moi. Et si vous êtes attentifs, suffisamment, vous recueillerez mes paroles à la source de mon cœur et elles rafraîchiront le vôtre. Je vais vous parler de moi ; je vais vous parler de vous. Prêtez l'oreille ! Ma vie est si proche de la vôtre, tracée par la même main qui tenait un crayon presque semblable. »


Écoutez bien !


Certaines voix répandent l'air vif des combes fendues par des biefs, d'autres plus douces, chauffées par des essaims d'abeilles, s'interrogent, certaines, très anciennes, remontent du fond des mots, des pincées de la sciure du temps. Autant de voix, autant de souffles, autant d'images nées du rythme des phrases. Des souvenirs qui prennent des allures de bilan, se teintent parfois de regrets. Tout un quotidien qui s'offre à nous comme pour mieux nous révéler le nôtre et nous donner confiance. Un quotidien qui mène à l'humain, à la légitimité de chacun, à la singularité retrouvée, sans orgueil, mais sans honte, loin des grimaces médiatiques, loin d'une organisation du monde érigée en rapports de force où les groupes de pression imposent leur vision des choses en confisquant notre parole.


Qu'il faille les efforts d'un "Atelier du Patrimoine" pour nous rappeler l'importance de cette simplicité humaine est, hélas, significatif de l'évolution, dans notre société, des relations entre les individus et, devant cet ensemble, je suis partagé entre la tristesse et la joie.


Le "Patrimoine", en effet, dresse l'inventaire du bien commun et s'attache à l'entretenir, comme une richesse inaliénable. Mais trop souvent, des effluves de nostalgie figée, de mondes abandonnés ou en voie d'extinction s'élèvent des édifices inventoriés.


Les efforts de cet "Atelier", en nous offrant le témoignage de vies à notre portée, nous ouvrent un chemin. Chemin de terre. Terre des humbles et des modestes qui de tout temps, a formé le terreau des civilisations.


Ces Femmes du Haut-Jura nous éclairent et la lampe est tenue par des enfants. Sous la lumière franche, ils nous disent :


« Suivez cette voie, sans crainte ! Vous y retrouverez l'amour et le respect de votre vie, première étape de l'amour et du respect d'autrui. »

C’est le titre d’un livre. Et ce livre est la trace d’un travail entrepris par des collégiens de Morez et des écoliers des Rousses et de Septmoncel, dans le Jura.

Ils sont partis, magnétophone et appareils photo en main, questionner des femmes. Des jeunes et des vieilles, sur leur vie, à brûle pourpoint.


Une fois leur moisson engrangée, sous la conduite de leurs enseignants et du photographe Marc Paygnard, ils ont réfléchi, se sont organisés en « Atelier du Patrimoine » pour écrire leurs visites chez ces femmes qui les avaient accueillis et mieux nous permettre de les rencontrer.


Leur livre presque achevé, ils m’ont demandé de le préfacer.